•  Louis SZUMSKI (Mulhouse 6 juin 1926 - Madagascar 21 avril 2000)  

    L'AUTEUR

    © Danièle Szumski

    " Cet écrivain autodidacte est né en Alsace de parents polonais réfugiés. Placé en institution religieuse, il y passe toute son enfance. Lorsque la guerre 39-45 survient, il refuse la mobilisation dans l'armée allemande et choisit la Résistance dans le Vercors. En 1947, il s'engage dans l'armée française et part à Djibouti puis à Madagascar, en tant qu'ambulancier, en pleine insurrection. Il quitte alors l'armée et se met au service de la lutte anti-acridienne dans le sud. Il apprend le malgache en écoutant les légendes transmises oralement. Il les traduit en français, une langue qu'il maîtrise alors assez médiocrement. Sa vie professionnelle est erratique : collecteur de coton, fabricant de savon, exportateur de pervenche pour le compte de laboratoires pharmaceutiques, exportateur de plantes et de graines plus tard. Il finit par se retirer à Fort-Dauphin où il est mort en 2000.

    Louis Szumski a écrit 9 recueils de nouvelles et de poésies et a reçu quelques prix locaux, comme le Prix Akbaraly en 1968.

    Bien que méconnu en France, on le considère parfois comme le plus grand écrivain de langue française ayant consacré son oeuvre au sud malgache".

    Petite encyclopédie du Sud de Madagascar, Jean-Michel Lebigre

    Recueils

    Sans cascades  (1955) - Anarchiseries (1958) - Extrême-Sud malgache - Sous le signe du zébu - Pas de girafe dans le Sud - L'or du Sud- Raconte pas ton Sud- Sud alors (poèmes)

     

    Philippe Lemarie (Préface au recueil Extrême Sud malgache)

    " A chacun son combat. Szumski, lui, milite discrètement pour que ceux de sa race ne passent plus - comme naguère - à côté de ce qui fait la force tranquille et un peu inquiète des peuples du Sud.

    Au contraire de quelques autres, qu'une quête un peu désespérée du « dialogue » incite à se dissimuler sous des masques divers, cet écrivain ne cherche pas à se déguiser pour percer l'intimité d'une race dont presque tout l'éloigne.

    «Vazaha», il est; «Vazaha», il reste. Avec toute la « distance » que cela suppose. Mais, restant lui-même, il s'arme - pour reconnaître le terrain et les hommes - d'une poésie à fleur de peau, sensible au frémissement d'une nature pourtant ingrate, à l'étrange oppression des nuits et des songes, au charme grandiose de ces paysages tour­mentés.

    Et plus que tout, il respecte les croyances de ces hommes rudes, à qui la nature fait si peu de cadeaux qu'ils ont entrepris, au fil des siècles, de se tisser un réseau de légendes, d'assurances sur la vie et la mort, d'explications de phéno­mènes a priori «inexplicables».

    C'est là précisément que l'on attendait Szumski. L'Européen fortifié dans les certitudes de sa « Raison », le «Vazaha-technicien» pour qui tout semble découler naturellement de tout (l'optimisme aidant...), cet exilé volontaire en terre de légendes... ne va-t-il pas en sourire, en rire même? Et sans aller jusqu'à se moquer, résistera-t-il à l'envie de présenter - à côté de celle de ses confidents, de ses compagnons de route - sa propre version bien léchée, sans faille, « scientifique » ?

    Apparemment non. Et tellement peu qu' il paraît prêt d'y croire, se retenant de basculer dans le songe, à deux doigts d'être converti. Du moins est-ce la sensation que l'on a, à suivre en sa compagnie l'histoire de Filo, la jeune Bara qu'un gri-gri de corde protège des maléfices du lolo (le fantôme); et celle du vieux Chinois Ralam mâchouillant clandestinement le chanvre de sa jeunesse; de Ngizy, qui se contraint à vomir, sûr qu'il est de se délivrer par là-même du pesant secret qui encombre la langue ; de Pâmera qui -de son cercueil - continue d'ordonner la pompe de ses obsèques; des kokolampo, fantômes hululants dans les grottes où quelque habile roitelet avait précipité des Por­tugais naufragés ; de « l'idiot du village», Ramira, qui - s'étant marié avec une nymphe blanche surgie de l'onde affolée - a donné naissance aux Anjeke, tribu où l'on remarque nombre de jeunes Antandroy au teint clair ; du petit Paraky d'Ampefy, dont le cadavre faillit être consom­mé par les siens («pour qu'il reste toujours avec nous») et qui donna finalement son nom à la poudre à chiquer bien connue; d'Albeny, la vaillante veuve qui pour protéger sa vertu et les biens de son mari - coupa insidieusement la langue à l'un de ses poursuivants; de Mojo, le voleur de bœufs, qui regroupe le bétail à l'aide de grillons encagés, stridulants dans la forêt, et les négocie sur les marchés - non par sport ou pour la gloire, mais pour l'avenir - pour se bâtir le plus beau tombeau de la région; de Tsiomby, le naufragé fait roi, qui donna son nom d'emprunt au zébu surgi de la mer, et par extension au guérisseur (ombiasy) etc.

    Bien sûr, Szumski ne se laisse prendre qu'à demi au jeu. Il est complice, sans plus. C'est-à-dire qu'il sympathise avec la terreur de ces isolés, qu'il comprend la genèse de leurs certitudes hâtives, de leur appareil de protection, de leur cordon de sécurité mentale, face à l'étranger, aux autres hommes venus d'ailleurs, à la nature implacable, sourde et aveugle.

    Il parvient à faire sentir combien là-bas, dans les chaos de pierre, sur les pentes semi-désertiques, au bord de l'océan grondant, l'homme armé de sa seule sagaie est désemparé, porté naturellement à ces interprétations fantasmagoriques que la Nature rend plausibles, vraisemblables.

    Et ce faisant, Szumski démonte sans peine le mécanisme des religions « culpabilistes », avec leur cycle angoissant du remords éternel: « qu'ai-je fait pour mériter cela? Où est ma faute? » En cherchant bien - et avec un peu d'imagina­tion - l'on trouve toujours. CQFD.

    A lire donc, ces nouvelles de l'Extrême-Sud qui n'ont ni la fadeur sucrée des promenades touristico-ethnologiques, ni l'austère réserve des ethnographes en chambre. Un lyrisme en accord avec le souffle et les mirages d'une terre fière et sauvage. Et des réalités qui -parfois - dépassent la fiction ".

     

     Dominique Ranaivoson (Littérature coloniale à Madagascar. SIELEC)

    « Enfin, nous signalons l’exception que constitue le Français Louis Szumski qui, au contraire de tous les auteurs occidentaux, n’est pas resté à distance de la société malgache, mais tout au contraire s’y est entièrement intégré. Arrivé à Madagascar en 1945, il a commencé à publier des poèmes en 1956, puis des nouvelles décrivant la vie dans l’Extrême-Sud où il se retira jusqu’à sa mort en 2000. Ses nouvelles sont très nombreuses, toutes marquées par l’attention, l’empathie, la sobriété en matière stylistique, le refus de toute imagination romanesque, de toute folklorisation de la vie rurale. Mais, alors qu’il reçut des prix littéraires à Madagascar en 1960, 1961,1963 et 1968, il n’a pas cherché à conquérir son public. Adoptant le mode de vie qu’il décrit, nouveau « décivilisé », il est mort dans le quasi anonymat, laissant une œuvre originale »

     

    Philippe Lemarie (préface au recueil l'Or du Sud)

    Szumski est un cas dans la littérature malgache d'expression française. De toute une vie consacrée au Sud de Madagascar, il a retiré des scènes, des moments de vie qu'il exprime à sa manière et dans une langue d'une très grande simplicité.

    Szumski espère ainsi, sans doute, nous faire partager son amour de cette région dont les hommes, les bêtes, les plantes, le soleil et le vent n'ont plus de secrets pour lui. L'auteur ne milite jamais, ne s'emporte pas ; il montre et il dit comme il voit.

    Les nouvelles de Szumski peuvent paraître simplistes, même puériles. Elles sont l'expression d'un coeur pur et tranquille qui a jeté l'ancre dans une crique de pauvreté, c'est à dire là où les autres ont à jamais leur place.

    Les nouvelles de Szumski sont-elles le reflet d'une observation attentive ou ben le fruit d'une imagination réaliste ? On ne fait pas souvent la part dans ses écrits, du vrai et de l'imaginaire, du quotidien et de la légende.

    Szumski se lit comme on regarde, un jour comme ça au bord de l'eau, sans savoir pourquoi, une grenouille sur un nénuphar. A l'ombre du temps".


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