• * Après les raketa

    Après les raiketa

         

       L'ombiasy s'en retourna une nouvelle fois avec ses médicaments, vers son gîte, déçu, voyant s'échapper peu à peu les bœufs gras promis en cas de guérison.

       Mais la maladie ne voulait pas se laisser faire, se sentant bien dans le corps débile du déjà frêle Fotera, gémissant sur sa natte humide de transpiration. C'était pourtant l'ombiasy, le guérisseur du roi en

    personne. 

        La maladie, elle, était reine et ne disait pas son nom.

         Botiaky, le père, se lamentait, et la mère, Dirina, devenait inconsciemment cruelle envers lui : pleine de reproches, elle harcelait son mari.

    -  C'est de ta faute, pourquoi aussi l'as-tu frappé ?

    -  C'est qu'il avait trop désobéi. De toute façon sa maladie ne vient pas de là.

    - Qui sait, murmurait insidieusement la mère hargneuse, toute à son enfant de plus en plus faible : tu as frappé trop fort.

     

        Et Botiaky, le meilleur des hommes, se désespérait doublement devant sa femme, rendue incompréhensive par la douleur de voir Fotera dépérir comme de la braise qui ternit doucement.

        L'enfant, fils unique, blêmissait et ses yeux brillants mendiaient un remède, interrogatifs et suppliants.

        Il ne reste plus que Zanahary, le dieu lui-même. Mais comment l'approcher et où ? Il guérit tout, il est tout-puissant.

       -   Que tu dis, rétorqua la mère, mais n'est-il pas aussi dur, il jette de la foudre dès qu'on s'approche de sa demeure et les éclairs te brûleront !

       -  C'est pour éloigner les démons, et moi je ne suis qu'un pauvre humain, gémit Botiaky.

               - Tu veux donc mourir aussi et me laisser toute seule sur la terre.

       Botiaky, irrité, se tut, hésita fort longuement, puis soudainement prit son enfant et partit en courant vers l'endroit réputé inaccessible, plein de nuages s'entrechoquant sans bruit.

     

       Un énorme zébu blanc aux comes effilées lui barra le passage, il dévia sa course, ne sachant comment il ne tombait pas, en zigzaguant follement pour dérouter la bête, si bien que le lourd galop grondeur de l'animal sembla décroître à ses oreilles et il chuta à bout de souffle dans le lit d'une rivière à l'eau si claire qu'il y vit son visage bouleversé et l'enfant semblant dormir dans ses bras.

     

    Après les raketa

    Dave Fangitse

     

          Il but, dans ce miroir frais et sauveur, interminablement, et reprit peu à peu haleine. Le zébu était sur la berge, fumant de ses naseaux d'où perlaient des bulles mousseuses, piétinant le sol friable, furieux d'avoir laissé échapper sa proie, et dans les vapeurs de sa colère il ne vit pas la femme qui avait suivi et qui put se jeter à son tour dans la rivière pendant qu'il beuglait sa déception. Il ne restait plus qu'à avancer dans l'eau, traverser le cours au fond sablonneux, où bougeaient des crocodiles intéressés.

     

        -  Ecarte-toi de moi, cria Botiaky à sa femme, ne restons pas ensemble ; elle nagea vers la droite, lui vers la gauche, en direction de la même rive opposée.

     

        Les reptiles, un moment déconcertés, ne sachant vers quelle victime se diriger d'abord, hésitèrent puis plongèrent, mais ce laps de temps suffit au couple pour atteindre l'autre rive, haletants, sauvés, tandis que les sauriens surpris se rencontrèrent au milieu, crocs contre crocs d'où l'eau seule, pure, dégoulinait.

     

    Après les raketa

    madacamp.com

     

         Le bœuf pantois meugla plus fort, comme sarcastique. Les crocodiles battirent le sable de leur queue, sable qui retomba comme des grains d'or que le soleil faisait reluire, sur leur peau crevassée, les rendant dorés un instant, dorés et déconfits.

     

        Et voici, poursuivant leur course, que les bosquets de raketa se rétrécissaient de plus en plus sur leur passage avec les fleurs aux teintes pâles, des fruits jaunes pleins d'épines.

    La femme passa devant, se déchirant le corps aux griffes végétales, et avec un bâton, écrasait les ramures verdoyantes mais acérées. Le père suivait derrière, obstiné.

     

     

    Après les raiketa

    ARA Androy

       Les derniers cactus écartés, une place lumineuse apparut, mais ils étaient tellement épuisés qu'ils sévanouirent, l'enfant roulant lentement au sol, comme mort.

     

      Zanahary, l'œil sévère, les réanima.

      -  Comment avez-vous osé, pu venir jusqu'ici ?

    Botiaky ne put que répondre :

      -  Mon enfant, mon enfant va mourir, guéris-le

      -   Ainsi tu ordonnes, en plus, tu es bien hardi, toi !

      -   Je vais peut-être guérir ton enfant, mais il faut que tu ailles me chercher une fleur rouge qui pousse dans la forêt, là-bas, au-delà du village que tu vois et que tu dois traverser nu, car il faut que tu y ailles comme la nature t'a fait.

     

       La femme, devenue ardente en regardant son enfant qui semblait maintenant respirer, mais douloureusement, s'écria : "je vais y aller, mon mari est trop épuisé, je veux qu'il tienne l'enfant", et elle s'élança, sans voile, vers le village qu'il fallait d'abord traverser.

       La foule s'agglutina sur son passage, de plus en plus dense, se moquant d'elle : regardez cette folle, qui court nue.

     

       Sa honte fut telle qu'elle revint piteusement sur ses pas sans avoir atteint la forêt. Botiaky lui remit le petit sans réfléchir et il s'élança à son tour, habillé comme Adam, puisque c'était la condition exigée.

     

       Il ignora la foule qui s'amusait, ne pensant qu'à la guérison de Fotera, pénétra dans la forêt, vit la fleur pourpre au plus haut d'un arbre majestueux, mais son ardeur le porta à la cime, où il cueillit la fleur violemment parfumée, redégringola et courut encore plus vite vers Zanahary qui patiemment attendait. Fotera semblait reprendre des couleurs.

     

       - Va, Botiaky, ton enfant est guéri, car je vois combien tu l'aimes : tu oses risquer ta vie, tu fais fi de la honte pour le sauver, tandis qu'avec ta femme seule, il était perdu car elle n'a osé aller jusqu'au bout, pour lui. Qu'elle s'en occupe soigneusement maintenant qu'il est guéri. Allez, j'écarterai les dangers du retour.

     

       D'où, d'après les affirmations Mahafaly, le droit prioritaire absolu du père sur les enfants.

     

    Louis SZUMSKI

     

     


    Tags Tags : , , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :